BANDE DESSINÉE.
Le centre culturel du Passage accueille, demain, le 2ème festival de BD de l'Agenais, un événement imaginé par Pruneau en Bulle. Portrait d'un dessinateur qui explose : Marc Moreno
La bombe à "comics"
Lot-et-Garonne
L'humour bien noir,et sans sucre, s'il vous plaît mais pas la guerre? Le dessinateur Marc Moreno fabrique des albums qui font boum ! Et qui cartonnent dans les librairies spécialisées. Le héros de ses trois premiers albums, publiés aux éditions Delcourt dans la série " Le Régulateur ", est un terroriste, de papier certes, mais au nom clairement connoté nihiliste : Aristide Nyx.
Marc Moreno, c'est en quelque sorte, le Tarentino de la BD. Ce garçon qui s'est créé, en 1995, son atelier à Bordeaux, dans le quartier des Chartrons, avec vue sur le port de la Lune, a 38 ans et un bel avenir devant lui.
La vie de Marc Moreno n'a rien d'un roman à l'eau de rose. Le père était tourneur-fraiseur et la maman s'occupait de leurs six enfants à Beaucaire, une cité " sensible ", comme on dit pudiquement aujourd'hui, dans la banlieue de Toulon.
Les leçons de Vermeer. Bac de lettres en poche, le garçon, qui gribouille des " petits Mickeys " depuis l'âge de 4 ans, va tirer le diable par la queue pendant d'interminables années de galère, à Paris, puis à Londres. Pour l'" artiste maudit ", pas question de se payer des études à l'École des Beaux-Arts. Côté crayon, pourtant, c'est un surdoué qui en connaît un rayon. Ne passe-t-il pas des journées entières avec ses calepins à contempler, au Louvre, la Mona Lisa de Léonard de Vinci ou des toiles de Rembrandt, de Vermeer, de Chardin et de Velasquez à Orsay ou à la Tate Gallery ?
" Mes leçons de peinture et de dessin -bref, tout ce que je sais- je l'ai appris auprès de ces grands maîtres, et de chefs-d'?uvres comme ''La dentellière'' ou ''La jeune fille à la perle''. Quand j'avais trois francs, six sous, je dévorais ''Pilote'', le magazine parfaitement libre et dingue lancé par Goscinny. Une vraie révolution dans le métier. Même si je n'étais pas trop tintinophile, j'aimais bien Lucky Luke et Astérix. Et par-dessus tout, la vague ''strange'', très éloignée du gentil ''Spirou'', des ''comics'' américains à 2 balles sur papier pulp (recyclé), du genre Spiderman, Blek le Rock, Akim et Superman. "
Jusqu'à la fin des années 80, Marc Moreno cassera la croûte au prix de petits boulots, aux antipodes de sa vocation. Avant de se retrouver au Rmi et " bénéficiaire " des Restos du C?ur, il aura eu le droit de faire la plonge dans une brasserie, le maçon à pousser la brouette, et même l'infirmier à l'hôpital psychiatrique St-Mary de Londres. " Question santé, le gouvernement britannique n'est pas vraiment regardant ", ironise le père d'Aristide Nyx.
Nyx, justement, parlons-en de cet affreux jojo.
" Le Régulateur est un personnage résolument sombre, très torturé, dans la veine littéraire du " steampunk ". Sa profession : tuer ses semblables, à la demande. Ce n'est pas à proprement parler un antihéros . Le lecteur découvre, au fil des albums (six sont prévus au total avec Corbeyran, le scénariste) de ce serial killer, que sa vie va évoluer positivement. "
Positivement. Comme les aventures de Marc Moreno dont les premières planches du vilain exterminateur ont fini par paraître, un beau jour, dans le magazine " Pavillon rouge ".
Cela se passait le 13 septembre 2001, soit 48 heures seulement après l'attentat contre le World Trade Center.
" Pour le coup, se remémore Marc Moreno, j'ai eu très peur de voir ma carrière de dessinateur s'achever avant d'avoir démarré. Merci au lecteur qui est intelligent. Mais, j'avoue : j'ai eu chaud. "